21/01/2020

_Le fou dans la paille



Le fou dans la paille
J.-Ph. Charbonnier, 1954
Le fou dans la paille appartient à une série de 15 photographies de Jean-Philippe Charbonnier, réalisées dans le cadre d'un reportage sur l'hôpital psychiatrique de Poitiers pour le magazine Réalités, en 1954. Cliquer ici pour consulter a notice de l'ensemble à la BNF. À propos du fou dans la paille, on peut y lire la légende  :
"Un corridor sinistre. Venant de derrière de lourdes portes les râles répugnants et les odeurs infectes des vomisseurs fous en cure de dégoût (tout au gros rouge...). Derrière une dernière porte, un forcené précoce, nu dans la paille. Je le photographie à travers le gros verre douteux de son judas léché et reléché sans voir (les appareils reflex n'existaient pas). Il est deux heures du matin, j'ai enfin convaincu le charmant médecin-chef, épuisé par ma dialectique, de me laisser faire."
On trouve en ligne d'autres reproductions de cette photographie, plus contrastées. 

Reproduction de gauche : Mutualart
Reproduction de droite : Collections des musées de Paris 
L'espèce de brume cendrée à travers laquelle on distingue la scène, sur la version de gauche, me paraît précieuse ; on peut l'expliquer par les conditions de la prise de vue, l'obscurité et le "gros verre douteux" de ce judas contre lequel le photographe a collé son objectif à l'aveugle - on en devine, d'ailleurs, le bord supérieur. Puisqu'il témoigne de ces réalités ce voile gris n'est donc ne serait donc pas sans valeur "documentaire" ; il a aussi, en même temps, une fonction esthétique : il confère à cette image un aspect crépusculaire et quasi fantastique par lequel il ne me semble plus seulement "voir" le corps d'un fou (et surtout pas le voir clairement) mais éprouver son apparition, ailleurs que sur ma rétine. 

Quant à la paille qui le recouvre jusqu'à la poitrine... à mes yeux de profane elle n'évoquait jamais que l'univers de l'agriculture, incongrue en ces lieux dont j'avais bien reconnu le caractère clinique (les murs son blancs et carrelés). 

Il est question de paille, en psychiatrie, dans le rapport sur les établissements consacrés aux aliénés de France rédigé par Etienne Esquirol, en 1818 : "Je les ai vus nus, couverts de haillons, n’ayant que de la paille pour se garantir de la froide humidité du pavé sur lequel ils sont étendus". Il semble alors s'insurger que l'on mette les malades dans la paille ;  à le lire vingt ans plus tard pourtant, s'agissant d'un cas particulier, cette pratique s'expliquerait par le fait que le malade "déchirait tout ce qui tombait sous ses mains" :

ESQUIROL Etienne
Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal
1838

Cette "méthode" de la paille perdure en psychiatrie, du moins jusqu'en 1954 : en témoigne la photographie de Charbonnier. La nudité du corps qui s'y trouve plongé me laisse imaginer la sensation du piquant de tous ces brins qui l'assaillissent comme autant de "becs d'oiseaux de proie". Est-il debout, accroupi, assis ou allongé dans la paille ? se bat-il contre la paille, ou s'y blottit-il ? s'en relève-t-il ou y sombre-t-il ? Aucun sol n'est visible, sous l'épais nuage qu'elle fait autour de lui ; il y lévite, elle le submerge, il s'y perd, elle lui appartient. Là où s'enfonce sa main, sa couleur est celle de la nuit que l'on devine derrière la fenêtre : celle du dehors.


11/01/2020

_Cachez ces déchets que je ne saurais voir



J'étais invitée à présenter une analyse d'œuvre ce samedi 11 janvier, à l'occasion de la première session des Après-midis du collège clinique de Lille et de l'ACF CAPA accueillis à l'Hôpital Saint-Vincent de Paul - session consacrée aux déchets [ >>> lire la présentation sur Facebook]

Mon intervention s'intitulait Le filmograffiteur de Zemrude




20/12/2019

_Combat du 16 décembre 1947


Combat du 16 décembre 1947
Source : GALLICA
Tandis que j'errais sur Gallica, je trouvai cette trace de la première exposition d'art dit "brut" à la Galerie René Drouin, dans Le combat du 16 décembre 1947. 

L'article est signé René Guilly. Jean Dubuffet n'est pas mentionné, Michel Tapié l'est en tant que contrebassiste de cabaret plutôt que comme critique d'art, et en passant, la liste des métiers exercés par le peintre Miguel Hernandez auquel sera consacrée l'exposition de 1948, est ici plus précise que de coutume :
< épicier au Brésil, libraire à Madrid, [...] actuellement coiffeur à Belleville >


L'argument principal que l'article prétend à l'exposition est que l'art "primitif" n'est pas réservé aux peuples dits "primitifs" :

< Aujourd'hui, un grand nombre d'Européens, apparemment normaux, s'adonnent en toute ingénuité à la création d'objets dignes d'artistes papous ou canaques. Il existe donc en France des bonnes à tout faire, des employés des Pompes funèbres ou des industriels sérieux qui se retirent chez eux le soir pour modeler des statuettes magiques, exécuter de petits tapis brodés à signification cabalistique ou peindre des scènes allégoriques. >
S'il n'y est pas du tout question d'"art des fous" ou d'"art des aliénés", c'est aussi qu'aucun objet issu des collections asilaires n'était présenté lors de cette exposition. C'est une chose sur laquelle on insiste peu : non seulement l'art brut n'est pas l'autre nom de l'"art des fous" (bien qu'il puisse servir à re-qualifier des œuvres de dits "fous") mais de surcroît, les premiers évènements publics relatifs à l'art brut mettaient en avant des travaux d'anonymes provinciaux excentriques plutôt que de fous. Dans son récent ouvrage intitulé Jean Dubuffet et la besogne de l'art brut, Baptiste Brun remarque que la plupart des généalogies de l'art brut font de ce dernier un prolongement de l'histoire de la reconnaissance de l'art asilaire : de fait, les autres "origines" de l'art brut, que sont la découverte des médiumniques et celle des Arts et Traditions Populaires, sont moins bien connues.

Cette première exposition d'art brut faisait lumière sur ces deux auteurs : Xavier Parguey (vigneron dans le Doubs), et Henri Salingardes (aubergiste et brocanteur dans le Tarn).

  • HENRI SALINGARDES (1876-1948)

1.   2.     3. 

1. Portrait d'Henri Salingardes - Archives de la Collection de l'Art Brut.
2. Sans titre - v. 1936 - 1943 - ciment - 24,5 x 21,5 x 3 cm
3. Sans titre - v. 1936 et 1943 - moulage de ciment peint - 8 x 8 cm

  • XAVIER PARGUEY (1872-1947)

1.  2.  3. 


1. Portrait de Xavier Parguey - Archives de la Collection de l'art brut.
2. et 3. Maillet et Fendoir, parmi les 15 œuvres de Xavier Parguey conservées au Mucem.

Il semble, à en croire l'entrefilet de 1947, que Xavier Parguey avait aussi confectionné un "objet phallique". J'en trouve peu de trace - en dehors, peut-être, de cette photographie de Simon Halder prise à l'occasion de l'exposition Jean Dubuffets art brut ! die anfänge seiner Sammlung à Gugging, en 2017.


09/12/2019

_Graffiti de Karl Lotze

Karl Lotze, (Karl Max Reinhard Ludwig LOTZE) est né le 14 août 1892 à Kreiensen, du côté de Hanovre. Il suit un enseignement artistique de 1910 à 1914, à l' école professionnelle d'art de Kassel puis à l'Académie d'Art de Düsseldorf.

Il s'engage dans l'armée lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Mais il attrape le typhus et séjourne à l'arrière, de 1915 à 1918, d'abord à Laon, puis à Vervins. Devenu dessinateur officiel de guerre pour l'armée allemande, il y produit des dessins et des photographies (portraits, paysages, scènes de la vie quotidienne, scènes de guerre...). Karl Lotze s'adonnera ensuite à la peinture de chasse jusqu'à la fin de sa vie - il meurt en 1972.

Fiedler mit Barten unterhalten sich über Geflügelzucht
Karl LOTZE, 1915
Source : coll. La contemporaine

Le dessin ci-dessus est daté du 29 janvier 1915 : il est, officiellement, la première production graphique de Karl Lotze sur la Première Guerre mondiale. Il a été réalisé à l'hôpital de Laon, vraisemblablement pendant la convalescence de l'auteur. La légende-titre, "Fieldler et Barten discutent de l'élevage de poulets", prête à sourire de par l'insignifiance de ce qu'elle nous révèle. C'est dans le même esprit que Karl Lotze aura pris soin de dessiner, au dessus des têtes de ses compatriotes, les graffitis sur les murs de l'hôpital : voilà qui n'a pas beaucoup de valeur informative non plus (d'autant plus qu'on ne reconnait pas les motifs graffités)... mais qui témoigne d'un œil pour le moins soucieux de l'anecdote. Faut-il mettre cela sur le compte de l'humour, ou d'un souci sincère de relever ce genre de détail non représentatif ? Quoi qu'il en soit, Karl Lotze paraît bien sensible à la coexistence du grave et du bénin, du drame et de l'anodin, du significatif et de l'indifférent sur les lieux qu'il a documentés pendant la Grande Guerre et ceci pourrait orienter la compréhension globale de son travail sur cette période.  



07/12/2019

_Le Plancher de Jean


Le plancher de Jean - [?]
Jean - dit : Jeannot le Béarnais, 1971
Le plancher de Jean est un texte de 80 lignes de lettres capitales poinçonnées, gravé en creux sur quatre grandes pièces de plancher en bois de chêne - d'une surface de 16 m2, au total.

Histoire muséale

Le Plancher de Jean est découvert dans la maison familiale de son auteur, plus de 20 ans après la mort de ce dernier, en 1993 au moment du décès de Paule, sa soeur. Le Dr Roux (psychiatre retraité), qui y voit une "psychose brute", en fait l’acquisition via le marché des antiquaires.

C'est dans le catalogue « L’Aracine et l’Art brut » en 1999 qu'il est question, pour la premier fois, de ce plancher en tant qu'œuvre d'art brut. Trois ans plus tard, le Dr Roux le vend au laboratoire pharmaceutique Bistrol-Myers-Squibb. Le Plancher est alors installé dans le hall du siège social de l'entreprise, à Rueil Malmaison. 

Mais il circule : il est exposé en 2004, à la Collection de l'Art Brut de Lausanne et à la Halle Saint Pierre à Paris, à l'occasion de l'exposition Ecriture en délire puis en octobre 2005 à la Bibliothèque nationale de France. Il est ensuite cédé au Centre hospitalier Sainte-Anne (Paris) suite à l’insistance du professeur Jean-Pierre Olié (PH-PU en psychiatrie, chef de service hospitalo-universitaire). Depuis le 2 juillet 2007, le Plancher de Jean est exposé sous verre, sur le trottoir de la rue Cabanis (14ème arrondissement) qui longe l'hôpital de Saint-Anne.

Réception artistique 


2005 : 
Une pièce de Théatre contemporain (texte de Pascale Rebetez, mise en scène de Philippe Sireuil) est donnée pour la première fois au théatre en Vieille Ville de Genève, en 2005, sous le titre Les mots de savent pas dire 

2007 : 
La Maison Européenne de la Photographie a accueilli une exposition de photographies du Plancher de Jean par l'artiste photographe Martin d'Orgeval. Il s'agit d'une série de photographies en noir et blanc. Le point de vue rapproché et le travail du contraste en restitue la matérialité tactile. 
Le cinéaste Patric Chiha réalise une émission radiophonique autour du Plancher, diffusée sur France Culture. 

2013 : 
La poétesse, romancière et recherchiste indépendante Perrine le Querrec publie un ouvrage chez "Les doigts dans la prose", intitulé Le plancher. 
L'artiste pluridisciplinaire Sebastian Rivas compose un monodrame intitulé "Le Plancher de Jeannot", à la Maison des arts de Créteil. 

2015 : 
Ingrid Thobois, publie un court roman intitulé Le plancher de Jeannot, dans lequel elle confie l'instance narrative à Paule, la sœur de Jean, pour raconter leur histoire. 

Biographie de Jean

Jean est né en 1939 au sein d'une famille de fermiers, dans le Béarn (Pyrénées-Atlantiques). Alors qu'il effectue son service militaire en Algérie, son père se pend. Ce drame entraine une dégradation de la situation socio-économique de sa famille. La mère de Jean meurt en 1971. Avec la complicité de sa sœur Paule, Jean l'enterre sous l'escalier de la maison et grave son texte sur le Plancher qui la recouvre. Il meurt d'inanition, quelques semaines plus tard.


La biographie de Jean a pu être étoffée conjointement à la divulgation de son œuvre, à partir de sources hétérogènes. Disons rapidement que l'hypothèse d'une psychose semble faire l'unanimité pour les médecins, les témoins de l'histoire de la famille et les auteurs qui se son penchés sur son œuvre, et que les premiers "troubles du comportement" de Jean se seraient fait sentir (d'après le voisinage) dans les années 1960, après le suicide de son père et tandis que la famille s'appauvrissait. Mais sa trajectoire psychologique reste, finalement, incertaine : Jean n'a jamais fait l'objet d'un suivi psychiatrique de son vivant.

Situer le Plancher

Au regard de ces éléments biographiques, l'histoire institutionnelle et marchande du Plancher de Jean ainsi que les modalités actuelles de sa conservation et de son expositionfont débat. Que le Plancher ait été acheté en tant que témoignage d'une "psychose brute" (non soignée, non traitée...), par un laboratoire pharmaceutique qui commercialise des médicaments anti-psychotiques, a de quoi laisser craindre une instrumentalisation publicitaire. C'est aussi la compréhension réductrice de l'œuvre, sous-jacente à cette opération publicitaire, qui poserait problème : le Plancher de Jean serait censé alarmer le visiteur du siège social de Bistrol-Myers-Squibb en raison de la folie dont il serait le signe ostentatoire. 

Aujourd'hui, la mise en scène du Plancher continue de poser question. Il y a que son exposition à ciel ouvert, à proximité de l'hôpital Sainte-Anne, en trois pans verticaux séparés, et sous verre, répond à des impératifs extérieurs à l'œuvre elle-même (Jean a gravé ces mots sur le sol et sous un toit), et qu'on ne saurait départir ce qui, parmi ce qui a orienté ces choix de présentation, relève de la conservation préventive, de la contrainte d'espace et de la visée spectaculaire... D'après le docteur Olié, il s'agirait cette fois de combattre la honte et les préjugés qui pèsent sur les maladies mentales mais cet usage du Plancher ne le détache toujours pas de la folie qu'il serait censé représenter - serait-ce, désormais, d'une façon inhabituelle plutôt qu'effrayante. 

Enfin : l'hôpital de Sainte-Anne conserve par ailleurs une collection d'œuvres graphiques et picturales dédiée à l'étude clinique, dont la plupart lui avaient été données à l’issue de l’Exposition internationale d’art psychopathologique de 1950. Cette collection a reçu, en mars 2016, l’appellation « Musée de France ». Le site d’exposition, s’appelle désormais MAHHSA (Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne), et a récemment intégré Videomusem (réseau de collections d’art moderne et contemporain). Mais le Plancher de Jean n'est pas (pas encore ?) présenté au sein de la galerie virtuelle du MAHHSA, et ne figure pas (pas encore ?) sur la base Navigart (qui réunit toutes les collections du réseau Videomuseum). 

Voilà donc un objet que l'on tarde, que l'on peine à situer, que ce soit en termes de statut (indexation au sein d'une collection muséale) comme en termes d'exposition (lieu, socle, choix scénographiques...). Les raisons à cela peuvent être administratives et techniques : les dimensions et les particularités matérielles du Plancher rendent son traitement complexe. Mais cet état d'indécision est aussi symbolique : le Plancher est toujours en suspens entre différentes réceptions, différentes approches, différents usages (commerciaux, médicaux, artistiques....). Il faut bien, pour qu'une œuvre ait lieu, matériellement et symboliquement, se poser la question du prisme à travers lequel la regarder ou la lire - sachant que résoudre ce problème ne consiste pas seulement, ne consiste même pas nécessairement à choisir parmi une liste restreinte de modalités de lectures pré-établies.


  • LE TEXTE
- Ecouter : 


- Lire : 

LA RELIGION A INVENTE DES MACHINES A COMMANDER LE CERVEAU DES GENS ET BETES ET AVEC UNE INVENTION A VOIR NOTRE VUE A PARTIR DE RETINE DE L’IMAGE DE L’ŒIL ABUSE DE NOUS SANTE IDEES DE LA FAMILLE MATERIEL BIENS PENDANT SOMMEIL NOUS FONT TOUTES CRAPULERIE L’EGLISE APRES AVOIR FAIT TUER LES JUIFS A HITLER A VOULU INVENTER UN PROCES TYPE ET DIABLE AFIN PRENDRE LE POUVOIR DU MONDE ET IMPOSER LA PAIX AUX GUERRES L’EGLISE A FAIT LES CRIMES ET ABUSANT DE NOUS PAR ELECTRONIQUE NOUS FAISANT CROIRE DES HISTOIRES ET PAR CE TRUQUAGE ABUSER DE NOS IDEES INNOCENTES RELIGION A PU NOUS FAIRE ACCUSER EN TRUQUANT POSTES ECOUTE OU ECRIT ET INVENTER TOUTES CHOSES QU’ILS ONT VOULU ET DEPUIS 10 ANS EN ABUSANT DE NOUS PAR LEUR INVENTION A COMMANDE CERVEAU ET A VOIR NOTRE VUE A PARTIR IMAGE RETINE DE L’ŒIL NOUS FAIRE ACCUSER DE CE QU’IL NOUS FON A NOTRE INSU C’EST LA RELIGION QUI A FAIT TOUS LES CRIMES ET DEGATS ET CRAPULERIE NOUS EN A INVENTE UN PROGRAMME INCONNU ET PAR MACHINE A COMMANDER CERVEAU ET VOIR NOTRE VUE IMAGE RETINE ŒIL NOUS E FAIRE ACCUSER … NOUS TOUS SOMMES INNOCENT DE TOUT CRIME… TORT A AUTRUI NOUS JEAN PAULE SOMMES INNOCENTS NOUS N AVONS NI TUE NI DETRUIT NI PORTE DU TORT A AUTRUI C EST LA RELIGION QUI A INVENTE UN PROCES AVEC DES MACHINES ELECTRONIQUES A COMMANDER LE CERVEAU SOMMEIL PENSEES MALADIES BETES TRAVAIL TOUTES FONCTIONS DU CERVEAU NOUS FAIT ACCUSER DE CRIMES QUE NOUS NAVONS PAS COMMIS LA PREUVE LES PAPES S APPELLENT JEAN XXIII AU LIEU DE XXIV POUR MOI PAUL VI POUR PAULE L’EGLISE A VOULU INVENTER UN PROCES ET COUVRIR LES MAQUIS DES VOISINS AV MACHINES A COMMANDER LE CERVEAU DU MONDE ET A VOIR LA VUE IMAGE DE L ŒIL FAIT TUER LES JUIF A HITLER ONT INVENTE CRIMES DE NOTRE PROCES

N.B. : Par la référence aux technologies de pointe de la fin des années 1960, ce texte est le signe d'une relation à un contexte et non pas seulement d'un état mental à appréhender isolément. Ce qui me frappe en premier lieu c'est que cette thématique est a priori très éloignée de l'image du paysan Béarnais muré dans sa ferme : poste écoute, programme, image rétine de l'œil machines électroniques à commander le cerveau. Je me demande par quel biais Jean a pu avoir accès aux accessoires de ce décorum : techniques d'espionnage, recherches en optique, en informatique et en électronique. Le seul élément de sa biographie officielle susceptible de nous éclairer serait son séjour (écourté) en Algérie, à l'occasion duquel il a certainement été en contact avec des technologies militaires apparentées... mais son portrait est brossé d'une façon qui met plutôt l'accent sur son attachement à la terre familiale, sur son isolement, sa claustration ; il ne permet pas d'envisager qu'il ait pu entretenir cette sensibilité à l'univers de la cybernétique ni comment il l'aurait fait. Disons que Jean avait peut-être un poste de radio mais je serais surprise d'apprendre qu'il avait un téléviseur : en France, en 1970, un seul foyer sur dix était équipé. On peut toujours imaginer qu'il avait feuilleté des magazines, cette année-là... Mais on ne peut pas le vérifier.



Science&Vie
n° 637 (octobre 1970) et n°639 (décembre 1970)


BIBLIOGRAPHIE

Madeleine Lommel (dir.), L’Aracine et l’Art brut, Z'Editions, 1999
Dr Guy Roux, Histoire du plancher de Jeannot. Drame de la terre ou puzzle de la tragédie, Photographies de Françoise Stijepovic, Préface d’Alain Bouillet, Ed. Encre et lumière, 2005
Animula Vagula [blog], notes sur le Plancher de Jeannot - 2006-2012
Martin d'Orgeval, Réquisitoire : "Le plancher de Jean" [exposition, Maison européenne de la photographie, 10 octobre 2007-6 janvier 2008], texte de Jean-Pierre Olié, 2007
Céline Delavaux, "Chronique d'une capture" in : Cassandre N° 71, 2007, p. 78-79
Perrine Le Querrec, Le Plancher, Ed. Les doigts dans la prose, mars 2013
Ingrid Thobois, Le plancher de Jeannot, Ed. Buchet Chastel, collection Qui Vive, mars 2015

06/12/2019

_Le corps en jeu et en images




Le jeudi 3 octobre 2019 avait lieu, au centre culturel de l'EPSM de Saint-André, le colloque Le corps en jeu et en images organisé par le Collège des psychologues de l’EPSM de l’agglomération lilloise. J'y suis intervenue, à propos du Manège de Petit Pierre (Pierre AVEZARD) aujourd'hui installé à la Fabuloserie

Cette communication peut désormais être écoutée en ligne.


27/11/2019

_Robillard, in Jef Klak n°6



Le collectif Jef Klak poursuit la publication de son périodique annuel. Comme le voulait le "jeu des queues" - Trois p'tits chats, Chapeau de paille, Paillasson, etc. - et le numéro 1 s'intitulant Marabout, le numéro 6 allait forcément s'intituler Pied à terre. Il contient des critiques sociales, des expériences littéraires et iconographiques touchant aux diverses thématiques que peut évoquer cette expression - par exemple : avoir un pied à terre c'est pouvoir être hébergé, ce peut être aussi avoir conscience du sol, du territoire ; mettre un pied à terre c'est, pour les cyclistes, marquer l'arrêt. 

Dans ce numéro, on trouve les reproductions de six dessins d'André Robillard issus de la collection l'Aracine, conservés au LaM.

En voici la liste (dans l'ordre de leur mise en page) : 
  1. La planète lunaire - 1983 (Stylo à bille, crayon de couleur, craie grasse et crayon graphite sur papier, 49,9 x 64,7 cm) 
  2. Le débarquement sur la planète martienne -1987 - 1988 (Stylo à bille, crayon de couleur et crayon graphite sur papier, 55,5 x 75 cm) 
  3. Les O.V.N.I. vienne de la planète Jupiter et fonce vert la terre - 1983 (Stylo à bille et crayon de couleur sur papier, 32,5 x 50 cm) 
  4. La jeep lunaire d'APOLLO 15 a mis le pied sur le sol lunaire - 1983 (Stylo à bille, stylo-feutre et crayon de couleur sur papier, 50 x 64,8 cm) 
  5. La conquête des planète interplanétaire - 1987 - 1988 (Stylo à bille, crayon de couleur et craie grasse sur papier, 50,1 x 64,9 cm) 
  6. Armstrong U.S.A. - 1993 (Stylo-feutre et stylo à bille sur papier, 29,7 x 42 cm)
Joli socle, pour ces dessins, que ce Jef Klak. Ils sont imprimés deux par deux, sur trois pages (p. 184-186), sans commentaire. Il n'en demeure pas moins que leur surgissement entre les feuillets bariolées de ce numéro (comme les autres, imprimés sur du papier machine blanc et teinté) a une incidence sur le regard que l'on posera sur eux. Quelques pages en amont, on peut lire le texte de l'historien de l'art pré-colombien Amara Leah Solari - "Des roues, un jaguar, le cosmos" - dans lequel il est question des roues calendaires et des cartes circulaires produites par les mayas du Yucatán pendant la période coloniale. Ayant contemplé les illustrations de ce texte, on sera forcément attentif à l'aspect des planètes d'André Robillard, tant il est vrai qu'elles leur ressemblent un peu. 

N'allons pas jusqu'à en conclure qu'André Robillard serait en lien avec les Mayas - d'autant plus qu'en observant ses disques planétaires de près, comme la rime visuelle nous y incite, on trouvera le motif, décidément, familier... trop familier pour être apparenté sans détour à la cosmographie pré-colombienne.

1. 2.

1. La conquête des planète interplanétaire [détail]
2. Le débarquement sur la planète martienne [détail] 

Que voit-on ? Les planètes de Robillard ne sont pas des entités simples, qu'il suffirait de localiser dans l'espace. On pourrait être amené à y poser le pied, à y vivre, même. Chacune est un monde à part entière, avec ses territoires, sa géologie particulière : une terre. Aussi Robillard prend-il bien soin de partager son disque apparent en zones, continents et/ou plaques lithosphériques. L'imaginaire qui se manifeste à travers ce langage plastique dépasse le cadre référentiel de la "conquête de l'espace" des années 1950 à 1980. Il est plus ancien, sans doute, plus terrestre d'une certaine façon. Ce qu'André Robillard représente dans ces cercles, c'est la promesse dont chaque planète est porteuse, la terre habitable qu'elle pourrait devenir : l'écoumène - soit l'objet premier, non de l'astronomie, mais bien de la géographie. 


POST SCRIPTUM : fruit d'une cueillette sur Gallica : 

3. 4.

3. Mapa mundi VI, 1320 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55004989t
4. Copie sommaire de la mappemonde vénitienne d'Andrea Bianco, 1436 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84907926







25/11/2019

_Jim


Il se fait parfois attendre. Parfois quelques minutes, quelques secondes… Prenons Jim le Glisseur (Ferdinand Zecca, 1910), par exemple : dans ce film il lui faut sept secondes pour apparaitre. 

Il faut voir la scène (typique) : un intérieur, plutôt réduit, sans fenêtre ; au dessus des boiseries les murs sont tapissés de rayures verticales, fines et serrées. Au milieu, un homme assis à son bureau, vêtu d’une veste grise et d’un pantalon noir, paraphe un document. Il est un peu chauve, porte une moustache et une petite barbe ; il se tient un peu trop droit, tout en paraissant, malgré tout, un peu trop flasque. Une porte s’ouvre, un brigadier fier et agité, coiffé d’un casque en forme de suppositoire, entre. Il salue son supérieur en faisant claquer ses talons aux pieds de son fauteuil, et lui demande l’autorisation d’ordonner à ses deux sous-fifres de les rejoindre. Stop. Sept secondes… quelle barbe. Il faut enfin le dire : sans lui, le cinéma est d’un ennui mortel.

Qui est-il, exactement ? Cela, je ne saurais le dire ; je cherche à l’identifier, et c’est pour cela que j’écris. Il pourrait ne pas porter de nom pour le moment ; appelons-le Jim, comme Jim le Glisseur puisqu’il est, dans une certaine mesure, à son image. Il pourrait aussi bien être l’Etranger dans « Pour une poignée de dollars » (lui, il faut sept minutes pour bien le voir). Mais j’y reviendrais peut-être, plus tard. Ce qui m’importe, là, c’est le monde sans Jim - puisqu’il nous laisse le temps de l’apprécier avant d’apparaître. Le monde, en l’absence de Jim, c’est comme la bureaucratie policière. C’est comme le chiffonnier en bois vernis derrière ceux qui demandent des justificatifs : clos, lourd et sans profondeur, en même temps.

Jim s’y laisse trainer comme une serpillière par les deux policiers qui attendaient l’ordre de le faire. Il porte une casquette, son costume est clair, et ample. Avant d’adresser un regard au bureaucrate qui le jauge depuis son fauteuil, il jette quatre coups d’œil sur les lieux : le plafond au dessus de la porte qu’il vient de franchir, un coin du quatrième mur… le caisson et les pieds du bureau semblent l’intéresser plus particulièrement. Pour Jim, connaitre l’endroit, c’est plus important que de savoir ce qu’on a à lui dire. Le socle prime sur ce qui s’y trouve posé, le contenant prime sur le contenu. Ses regards sont furtifs, précipités, mais perçants, d’une efficacité redoutable : ils fraisent profondément aux quatre coins du cadre, ils flèchent le hors-champ, la zone imaginaire libre. Ça s’ouvre. 

Le chiffonnier contient bien quelque chose qui, peut-être, importe. Il y a des panneaux, sur les murs, d’un blanc immaculé : à quoi peuvent-il bien servir ? N’y aurait-il pas une fenêtre, du côté du quatrième mur ? N’y aurait-il pas une clef sous le pied de ce bureau ? Dans ce pauvre petit compartiment que nous avions sous les yeux, ceux de Jim donnent de quoi croire en un monde un peu plus vaste, un peu plus divers, un peu plus vivant ; ses poches étaient donc pleines. Tandis que la flicaille en déverse le contenu (pendentifs, colliers…), naturellement je ris ; mais de joie d’abord, car avant d’être drôle, c’est merveilleux : j’acquiers enfin la certitude que de petites choses peuvent briller sur cet écran.