01/03/2020

_Franz Sch.


Franz Sch. (1898-1977) est dessinateur industriel pour l'usine de machines Sulzer (*) à Winterthour. Il quitte son entreprise en 1927, fait deux courts séjours à la la clinique psychiatrique de Münsterlingen puis y demeure définitivement, à partir de 1942. C'est là qu'il réalise les 200 pièces (encres sur papier) qui composent son œuvre : des plans et élévations consacrés à son Utopie. Cette œuvre a d'abord attiré l'attention du psychiatre Roland Kuhn qui a prononcé une conférence à son propos en 1951 ; elle est aujourd'hui conservée aux archives du canton de Thurgovie, en Suisse. Elle est récemment sortie de l'ombre grâce à un travail de recensement des collections d'œuvres de patients des hôpitaux psychiatriques suisses coordonné par l'historienne de l'art Katrin Luchsinger, professeur à l'université de Zurich (travail qui a permis l'exposition itinérante Extraordinaire !). Katrin Luchsinger a consacré un texte à Franz Sch. : "Franz Sch. : Utopia" in [collectif], Auf der Seeseite der Kunst (2014), p. 93-107. 

    

L'utopie de Franz Sch. est une cité idéale, paisible et paneuropéenne, où commerce, industrie, éducation et culture se développeraient en harmonie. On pense à d'autres utopies urbaines... peut-être serions-nous, dans l'esprit de Franz Sch., quelque part entre le phalanstère de Charles Fourier (1829) et la cité industrielle de Tony Garnier (1917). Il faudrait aussi appréhender l'ensemble à l'aune d'un contexte général et plus immédiat, que l'auteur - suisse, interné au beau milieu de la Seconde guerre mondiale - n'ignorait probablement pas. La Suisse n'a jamais été occupée entre 1939 et 1945 ; ses montagnes on contribué à l'en protéger. Cernée de pays en guerre, elle a cependant éprouvé les répercussions du conflit international sur les plans économiques et sociaux. Ce contexte pourrait nous éclairer, quant au registre de l'architecture défensive (citadelles, enceintes...) dans lequel Franz Sch. puise assez ouvertement.




Mon attention est retenue par la répartition du matériau lisible autour de ces croquis. Franz Sch. peut écrire dans les quatre directions possibles sur ses pages, depuis la gauche, la droite, le haut et le bas (cf. le cas spectaculaire, reproduit ci-dessus). Une raison à cela pourrait être d'ordre pratique et matériel : il s'agirait de densifier l'information pour économiser du papier (au détriment du confort de lecture). On devine, à ce niveau, un certain souci de l'efficacité (spatiale) que l'auteur aurait peut-être hérité de ses activités dans le secteur de l'ingénierie mécanique. Ce qui est certain, c'est que Franz Sch. a tourné sa feuille devant lui pour y répartir ses titres, légendes et commentaires ; il a mis en œuvre, au niveau concret, la bascule à 90° propre à l'exercice du géométral - opérateur qu'il fait par ailleurs fonctionner mentalement, pour passer du "plan" à l'"élévation", entre deux dessins. À la faveur de cette disposition de l'écrit autour des objets architecturaux de Franz Sch., la vision géométrale dont ils émanent, l'œil rotatoire qui les encercle, est ainsi très incarné.

Sources des images : TAGBLATT - GALERIE THURGAU - MUSEUM IN LAGERHAUS 

(*) La firme SULZER, fondée à Winterthour en 1834, s'est spécialisée dans la fabrication d'équipement à pompes et d'équipement rotatifs (moteurs à vapeur, puis moteurs diesels...)
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POST SCRIPTUM : 

Moteur à vapeur à distribution par soupapes de la firme SULZER
carte postale munichoise, v. 1920