22/08/2020

_Le gaillard Boiteux


À la fin du XVIIème siècle, le truculent Guillaume de Limoges était, à ce qu’il semble, connu comme le loup blanc pour les chansons qu’il entonnait et dont il vendait les paroles sous forme d’imprimés aux alentour du Pont-Neuf à Paris. Surnommé le "gaillard Boiteux", il fait l’objet de cet hommage (daté de 1693-95) par l'un des principaux graveurs d'interprétation du règne de Louis XIV, Gérard Audran - habitué à des sujets nettement plus classiques :

Voicy le portrait et l'éloge de ce chantre fameux
nommé Guillaume de Limoge autrement le gaillard Boiteux
source : Gallica

L’historienne de l’art Florence Gétreau a insisté sur le contexte juridique houleux de la production de cette image : les chanteurs populaires, les musiciens et compositeurs libéraux, les libraires ambulants et autres colporteurs - tels ce Guillaume de Limoges - étaient alors soumis à une législation spécifique. Leurs textes devaient être approuvés par le Lieutenant général de police avant d’être imprimés. 

Ce qui frappe dans cette gravure, c’est la présence, sur toute la surface du mur où Guillaume de Limoges est assis, d’une multitude de graffitis : ils confèrent à cette estampe de la fin du XVIIème une modernité surprenante. Ils représentent des silhouettes humaines, un peu zoomorphes pour certaines, dans des situations du quotidien, plus ou moins burlesques... Une belle occasion, pour le graveur très académique qu’était Gérard Audran, de débrider son dessin. Ces graffitis (forme d’expression libre et non homologuée) font aussi écho aux enjeux sous-jacents de cette estampe, concernant le contrôle de l’expression artistique et de sa divulgation. 

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